Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (ACHPR)
Guide de Déposer une plainte devant la CADHP
Renseignements essentiels relatifs au dépôt d’une plainte
Toute victime, qu’il s’agisse d’un individu ou d’une organisation, et tout État de l’UA, peuvent déposer une plainte, ou « communication », auprès de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (CADHP). Cependant, la Commission exige désormais qu’il existe un lien entre l’individu ou l’organisation à l’origine d’une plainte et la ou les victime(s), afin d’éviter de compliquer l’examen de la cause. Par exemple, une cause pourrait être déclarée inadmissible si une organisation la dépose au nom d'une victime sans avoir contacté cette dernière.
La Commission examine toutes les plaintes qui respectent la procédure établie afin de déterminer si certains droits de la Charte ont été violés ; elle émet ensuite des recommandations qui aideront l’État à éviter que ces violations ne se reproduisent, à dédommager les victimes et/ou à enquêter sur les violations. Une fois seulement, la Commission s’est penchée sur une plainte déposée par un État ; en règle générale, les plaintes proviennent d’organisations de la société civile.
Les plaintes peuvent être déposées en tout temps, et celles qui le sont au moins deux mois avant une session ordinaire feront l’objet de discussions pendant cette session ; cependant, la Commission pourra prendre plusieurs sessions avant de statuer sur une plainte. Les communications peuvent-être rédigées en arabe, en anglais, en français ou en portugais. Elles seront adressées soit au président ou au secrétaire (voir l’adresse plus bas).
Chaque communication devrait décrire la ou les violation(s) des droits de la personne qui ont été commises en indiquant, si possible, la date, l’heure et le lieu où sont survenus l’incident ou les incidents. Toute plainte doit répondre aux sept conditions suivantes, énoncées à l'article 56 de la Charte africaine.
Les sept conditions d’une communication :
1. L'auteur ou les auteurs d'une plainte doivent être clairement identifiés et le rapport devrait préciser si la plainte provient d’une victime, d'un individu agissant au nom d'une victime, ou d'une organisation des droits de la personne. Il faut ajouter les coordonnées complètes des représentants ainsi que l’adresse de l'organisation. Les individus qui déposent une plainte devraient fournir leur nom, adresse, âge et profession. Les personnes souhaitant conserver l'anonymat doivent l'indiquer ; cependant, elles sont quand même tenues de fournir ces renseignements avec leur plainte originale. (L'individu demeurera anonyme dans les rapports ou échanges subséquents.)
2. La plainte doit clairement indiquer quel droit a été violé par l’État partie et en fournir des preuves (voir no 4). Ce droit doit être garanti par la Charte africaine. De plus, la violation doit s'être produite après la signature de la Charte africaine par l'État. Pour savoir quand les pays de l'UA ont ratifié la Charte, visitez :
http://www.achpr.org/english/ratifications/ratification_african%20charter.pdf. Note : la plainte est jugée inadmissible si elle exige des réparations incompatibles avec la Charte africaine ou avec l'acte constitutif de l'Union africaine.
3. Les plaintes écrites dans un langage offensant ou insultant ne seront pas évaluées. Elles devraient simplement inclure les faits et l'analyse nécessaires pour démontrer qu'une violation de la Charte a eu lieu. Une demande qualifiant le gouvernement camerounais
de « gouvernement barbare » et de « régime de torture » a ainsi été refusée car elle ne respectait pas cette exigence.
4. La communication ne devrait pas s’appuyer exclusivement sur des rapports des médias, mais devrait faire appel à des sources originales, qu'il s'agisse de témoignages personnels, de déclarations de témoins ou de documents gouvernementaux, y compris des décisions judiciaires. Or, la Commission a aussi déclaré que « la position des médias en tant que principale, voire unique, source d'informations, est mise en doute... Il ne s'agirait donc pas de savoir si les informations ont été obtenues auprès des médias, mais plutôt, si elles sont exactes.»
5. L'organisation ou l'individu qui dépose une plainte doit prouver qu’elle ou il a tenté d'utiliser « toute action en justice interne pouvant mener à la résolution de la plainte localement ou à l'échelle nationale. » Le plaignant doit démontrer, preuves à l’appui, qu'il a tenté sans succès d’épuiser les recours locaux. Si le plaignant n'a pas essayé d'utiliser des recours internes, il devra en expliquer la raison. Par exemple, le plaignant pourrait fournir des preuves indiquant que le tribunal ou le mécanisme interne a systématiquement échoué dans ses tentatives d'aborder des violations comparables. En temps normal, les trois principaux critères utilisés pour décider si un recours local est exigé sont qu'il soit disponible, efficace et suffisant. On considère qu’un recours est disponible si le plaignant peut s'en prévaloir sans rencontrer d'obstacles. Un recours « efficace » signifie qu'il a des chances d’aboutir à une victoire, alors que « suffisant » signifie que le recours accordera un remède au plaignant. Un remède est insuffisant si, par exemple, le demandeur ne peut s'adresser au système judiciaire de son pays parce que l'on craint généralement pour sa vie. Un remède pourrait également s'avérer insuffisant s’il dépend de considérations extrajudiciaires, comme la discrétion ou un pouvoir extraordinaire accordé à un fonctionnaire d'autorité. Dans des situations marquées par des violations massives des droits de la personne, l'omniprésence de ces violations élimine l’obligation d'épuiser les recours locaux, surtout là où l'État n'a rien fait pour les prévenir ou y mettre fin.
6. La plainte doit être déposée dans un délai « raisonnable » une fois les recours nationaux épuisés ; cependant, la Commission ne fournit aucune directive relativement à ce qui est raisonnable ou non, et a fait preuve d'une certaine souplesse à cet égard.
7. L'enjeu ne peut pas avoir déjà été réglé par la Commission ou par un autre mécanisme international des droits de la personne, incluant la Charte de l'ONU, la Charte de l’OUA ou l’acte constitutif de l’UA. De surcroît, le plaignant ne peut faire référence à des violations qui sont actuellement examinées ou administrées par un autre organisme de surveillance des traités internationaux, tel que le Comité des droits de l'homme de l'ONU. La notion de « même plainte » désigne « le même recours concernant le même individu, déposé par ce dernier ou par une personne qui le représente devant deux organisations internationales », d'après la Commission.
Conseils pratiques supplémentaires
- Si la Commission décide que la plainte ne satisfait pas aux sept conditions, le plaignant pourra déposer une nouvelle plainte portant sur le même enjeu, pourvu qu’il prouve, dans sa communication, que la plainte ne peut plus être déclarée inadmissible (par exemple, à la suite du retrait d’une plainte déposée auprès d'un autre mécanisme international de défense des droits de la personne).
- Dans sa communication, le plaignant peut également demander à la Commission de recommander des mesures intérimaires ou provisoires, c’est-à-dire, des mesures prises avant la session au cours de laquelle la plainte sera étudiée, afin d’éviter d’infliger à une victime un tort irréparable. Les individus ou organisations peuvent souhaiter déposer une requête auprès de la Commission afin qu’elle demande à l'État de ne pas appliquer la peine de mort à la victime ou aux victimes, par exemple.
- Les individus ou organisations sont libres de déposer des communications sans l'aide d'un avocat. On recommande cependant aux plaignants de consulter un avocat qui sera en mesure d’interpréter les principes juridiques qui sous-tendent les droits ayant été violés et de leur fournir des arguments supplémentaires.
- Avant de demander l'intervention de la Commission, il revient à l'auteur d'effectuer des recherches et de suivre des processus de vérification adéquats afin d'évaluer les preuves de violations des droits de la personne et de les présenter. Le plaignant aura intérêt à fournir des preuves supplémentaires en joignant à sa demande les documents et les rapports pertinents.
- Il est conseillé, en plus de faire référence à des articles de la Charte africaine, de souligner les principes complémentaires adoptés par la Commission, notamment la Déclaration de principes sur la liberté d'expression en Afrique, s'ils sont jugés pertinents dans le cadre de la demande. La Déclaration est disponible ici : http://www.CADHP.org/english/declarations/declaration_freedom_exp_en.html. Pour consulter d'autres déclarations adoptées par la Commission, visitez : http://www.CADHP.org/english/_info/index_declarations_en.html.
- La communication devrait être axée sur des faits précis plutôt que sur les conditions générales entourant la violation de droits.
- En cas de violations massives des droits de la personne, les organisations devraient encourager d'autres groupes à déposer des communications auprès de la CADHP. L’Assemblée de l’UA est plus susceptible de réclamer la tenue d’une enquête lorsque la CADHP peut déposer plusieurs communications portant sur de nombreuses violations graves des droits de la personne. En outre, les chances seront meilleures de voir un Rapporteur spécial publier un rapport sur les enjeux.
Où envoyer une plainte ?
Le secrétaire
Commission africaine des droits de l'homme et des peuples
Avenue Kairaba
Case postale 673
Banjul, Gambie
Téléphone : (220) 4392962
Télécopieur : (220) 4390 764
Courriel : achpr@achpr.org
Le format de soumission suggéré est disponible ici:
Formatdesoumission.pdf (117 KB)
Révision
Ibrahima Kane, African Union Advocacy Director, Open Society Initiative for Eastern Africa.