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Ushahidi : Le défi de la couverture de la prochaine élection au Kenya

Une carte dressée par l'ensemble de la population illustrant les incidents liés aux élections peut-elle aider le Kenya à tenir un scrutin libre et juste ce mois-ci ?

Jour d'élection au Kenya, 4 mars 2013 : des équipes vérifient et téléchargent les données électorales sur la carte Uchaguzi alimentée par le public
Jour d'élection au Kenya, 4 mars 2013 : des équipes vérifient et téléchargent les données électorales sur la carte Uchaguzi alimentée par le public

Ushahidi

En 2008, plusieurs technos et activistes en ligne se sont assis autour d'une table de cuisine à Nairobi, au Kenya, et ont tenté de concevoir une plate-forme en ligne afin d'aider le public à saisir la signification de la violence post-électorale. Un interdit gouvernemental de la couverture en direct des nouvelles laissait les journalistes dans le noir sur la violence ethnique politisée entourant la contestation des résultats de l'élection, qui aurait causé au bas mot la mort de 1 200 personnes.

Ce petit groupe de pionniers en ligne a lancé Ushahidi ("témoignage", en swahili), un logiciel ouvert que les journalistes citoyens peuvent utiliser pour cartographier les événements. Le site web est devenu un outil qui situe les incidents violents et les efforts de paix à travers le pays d'après les rapports soumis par les citoyens au moyen de l'Internet et des messages textes. Depuis, le logiciel a servi de manière prédominante comme outil de cartographie des crises, depuis le déversement de BP dans le Golfe du Mexique jusqu'au tsunami au Japon. L'IFEX s'en est servi l'an dernier pour documenter les événements et les activités entourant la Journée internationale contre l'impunité.

Ushahidi a également contribué à contourner la censure d'État entourant la violence post-électorale de 2008. "Nous croyons que le nombre des morts rapporté par le gouvernement, la police et les médias est manifestement sous-estimé", avait alors écrit sur son blogue l'un des fondateurs, Ory Okolloh. "Les rapports des familles et des amis dans les zones touchées par les violences donnent à penser que les choses sont bien pires que ce que nous avons entendu dans les médias."

"Je me souviens qu'à l'époque j'étais le seul au bureau qui pouvait découvrir ce qui se passait sur le terrain", dit Ephraim Muchemi, coordonnateur de la sécurité et de la protection des journalistes au Media Council, organisme créé en vertu d'une loi du Kenya. "Les médias sociaux comme Facebook et Twitter n'étant pas encore bien connus, il n'y avait pas d'organe susceptible de faire sortir l'information en temps réel. Grâce à Ushahidi, on a pu voir les événements au moment où ils se produisaient et les comparer avec ce qui se disait dans la presse locale."

Aujourd'hui les gens qui ont mis sur pied Ushahidi ont lancé Uchaguzi ("élections" en swahili), qui est inauguré à temps pour les élections générales de ce mois-ci. Were affirme qu'il sera beaucoup plus facile pour les utilisateurs de télécharger les informations, y compris les photos et les vidéos. Huit équipes distinctes vont télécharger les données et vérifier les comptes rendus, de sorte que Uchaguzi offrira aux reporters des informations rapides, précises et diverses sur les élections. "Nous allons en outre lancer deux blogues quotidiens et des messages sur Twitter qui vont contextualiser ce que montrent les données sur la carte Uchaguzi. Nous espérons que cela complétera le travail des journalistes", dit la directrice générale, Juliana Rotich.

"Les files d'attente des citoyens ne sont pas efficaces" : Photo téléchargée sur Uchaguzi le jour du scrutin au Kenya

Uchaguzi

Tout comme avant, les reporters et les blogueurs espèrent utiliser la plate-forme pour contourner la censure d'État. "Bien sûr, nous devons faire attention et rapporter soigneusement les événements entourant les élections, mais cela ne veut pas dire que nous cessons tout simplement de rapporter les événements", dit un journaliste qui souhaite conserver l'anonymat. "Uchaguzi va au moins me permettre de faire sortir l'information lorsque le média pour lequel je travaille ne le pourra pas."

L'équipe qui a élaboré Ushahidi a aussi étendu ses activités et a inauguré en septembre une autre plate-forme, Umati ("foule"), afin de suivre de près les propos dangereux publiés en ligne et susceptibles d'alimenter les tensions ethniques à la veille des élections. Lors des dernières élections, certains médias, les stations de radio communautaire en particulier, ont été complices de la diffusion de la violence ethnique par un "discours haineux" – à tel point que le directeur de Kass FM, Joshua Arap Sang doit répondre devant la Cour pénale internationale à des accusations d'incitation à la violence post-électorale.

De nombreux journalistes et blogueurs ont admis avoir limité leur couverture par crainte d'être visés pour avoir écrit des propos haineux. Certains ont même évité de couvrir les politiciens locaux qui utilisent un langage incendiaire lors des rassemblements politiques. Robert Kunga, de l'Association des blogueurs du Kenya le confirme : "En tant que blogueurs nous avons eu beaucoup moins de contenu sur les élections… Il n'y a pas eu grand chose, par exemple, sur les débats présidentiels qui ont été très vifs."

Néanmoins, Umati constate certaines tendances troublantes à l'approche des élections de 2013. Des politiciens et des dirigeants communautaires reconnaissables ont tenu en ligne des propos extrêmement dangereux, la plupart sur Facebook et par des commentaires dans des blogues, dit Were.

Le logiciel Ushahidi a aussi été utilisé récemment pour créer une plate-forme qui retrace les menaces faites à la presse. La carte Ushahidi du Media Council, Media Freedom 254, a signalé 13 cas de menaces et d'injures contre la presse jusqu'à maintenant en 2013. "C'est une chose à laquelle je pensais depuis 2009 lorsque l'un de nos reporters, Francis Nyaruri, a été tué," dit Muchemi. "Personne n'avait fait cela auparavant, pour autant que je sache – surveiller et cartographier les atteintes à la liberté de la presse en Afrique. Le potentiel est énorme."

Ushahidi s'est également avéré utile pour aider les journalistes à se réseauter et à donner une plus grande visibilité à des reporters moins connus. Brice Rambaud d'Internews, une organisation internationale de développement des médias, s'est servi d'Ushahidi pour le référendum constitutionnel de 2010 au Kenya. "C'est un réseau de journalistes qui a partagé le contenu à travers le pays. Ça a très bien marché à ce moment-là et cela a permis à des stations de radio plus petites d'accéder à une couverture nationale", a dit Rambaud.

En dépit de ces mesures, peu de reporters locaux font appel à la plate-forme ou en ont même entendu parler. William Oloo Janak, chef de l'Association des correspondants du Kenya, croit que le site web pourrait recevoir plus de visiteurs de l'extérieur du Kenya : "Il semble avoir un impact minimal. Je ne connais personne qui l'utilise."

Were, cependant, croit que les choses pourraient être différentes cette fois, étant donné qu'on a mené une campagne de publicité pour joindre les gens, où on a organisé des tournées de présentation et des événements avec des partenaires locaux.

Le problème de l'accès, en particulier dans les zones rurales, constitue un autre obstacle. "C'est mieux que la dernière fois, mais cela représente toujours un défi, la connectivité dans les zones rurales n'est pas au même niveau que celle de Nairobi", a fait remarquer Rotich. "Mais nous faisons de notre mieux avec ce que nous avons à l'heure actuelle."

Le manque de sensibilisation à l'échelon local quant à l'existence du site pourrait s'avérer être un autre obstacle à la réalisation du premier objectif d'Ushahidi – fournir aux Kenyans des informations que les médias ne donnent pas. "Quelle utilité y a-t-il à tout cela, pouvez-vous vous demander ?" indiquait déjà Okolloh dans son blogue en 2008. "Quand cette crise prendra fin, nous ne voulons pas que ce qui est arrivé soit glissé sous le tapis au nom de la 'marche en avant'… Pour que nous allions vraiment de l'avant, il faut dire la vérité sur ce qui s'est passé. Ushahidi est notre petit moyen à nous de contribuer à ce la vérité se sache."

Tandis que les autorités et la société civile sont impatientes d'assurer la paix lors du scrutin de mars, très peu de gens parlent des personnes déplacées ou tuées lors des élections précédentes. Et peu de gens s'interrogent sur le fait que l'un des principaux candidats à l'élection présidentielle et son colistier ont été accusés de la violence post-électorale de 2008 par la Cour pénale internationale.

Néanmoins, l'équipe d'Ushahidi est mieux préparée qu'auparavant pour rapporter la nouvelle sur l'élection et ses suites, et croit au potentiel des citoyens qui couvrent la nouvelle. "Nous avons le pouvoir, en tant que citoyens kenyans, de protéger notre vote", a déclaré Were.


Tom Rhodes est consultant pour l'Afrique de l'Est au Comité pour la protection des journalistes et ancien cofondateur du premier journal indépendant du Sud-Soudan, "The Juba Post". Il collabore à diverses publications qui s'intéressent particulièrement aux questions qui touchent l'Afrique de l'Est et la Corne de l'Afrique.

Tom Rhodes est consultant pour l'Afrique de l'Est au Comité pour la protection des journalistes et ancien cofondateur du premier journal indépendant du Sud-Soudan, "The Juba Post". Il collabore à diverses publications qui s'intéressent particulièrement aux questions qui touchent l'Afrique de l'Est et la Corne de l'Afrique.


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